Grippe aviaire Sans vaccin, point de salut pour les producteurs de volailles
« Il n'y a plus aucune autre solution » : face à la grippe aviaire qui ne laisse aucun répit aux producteurs de volailles, la profession compte les jours avant de pouvoir vacciner les canards, au mieux cet automne.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Depuis sa ferme de Vendée, Yannick Picard désigne de la main la campagne alentour, ponctuée de bâtiments d'élevage.
« C'est le vent qui a transporté le virus », suppose-t-il. En mars 2022, son exploitation a été contaminée par la grippe aviaire et les canards survivants euthanasiés.
Depuis, ses deux bâtiments d'une capacité totale de 17 800 canards ont quasiment toujours été vides, car le virus a continué de sévir dans cette région des Pays de la Loire qui concentre un quart de la production française de volailles, déstabilisant tout un secteur économique, des couvoirs aux usines agroalimentaires.
Chez Yannick Picard, les premiers canards de 2023 sont arrivés, à peine éclos, le 10 mai. Les palmipèdes rejoindront l'abattoir après 84 jours d'élevage. En théorie, car le virus n'a pas pris de vacances aux beaux jours : il fait encore des victimes parmi les oiseaux sauvages et dans des élevages du sud-ouest.
« On prend un risque, c'est clair », remarque l'éleveur rencontré lors d'une visite organisée par l'interprofession de la volaille (Anvol). « Mais il faut bien sortir des animaux pour vivre », dégager un revenu.
En France, la grippe aviaire prend des allures de crise sans fin car l'épizootie s'est « endémisée », selon les scientifiques. Elle s'est installée dans l'environnement alors qu'elle apparaissait auparavant dans le sillage des migrations d'oiseaux.
Des dizaines de millions de volailles ont été abattues - souvent préventivement - depuis 2020 et les pertes économiques se chiffrent en milliards d'euros.
« Eviter le feu de forêt »
Les producteurs touchés par le virus ne remettront d'animaux dans leur élevage « que s'il y a de la vaccination », estime le président de l'interprofession du foie gras (Cifog) Eric Dumas.
« Tout le monde veut le vaccin contre la grippe aviaire pour sortir de la situation. Il n'y a plus aucune autre solution », observe son homologue de l'Anvol, Jean-Michel Schaeffer.
« Le vaccin ne fera pas tout, n'évitera pas les départs de feu », soit l'apparition de foyers de contamination, « mais on espère que ça évitera le feu de forêt », poursuit-il.
Le gouvernement veut rendre obligatoire la vaccination chez les canards - espèce très sensible au virus et qui favorise sa diffusion - dès que les doses seront disponibles.
« En octobre nous serons en capacité de vacciner », a assuré le ministre de l'agriculture Marc Fesneau.
« La vaccination des volailles les plus réceptives et sensibles a pour objectif de réduire l'excrétion virale pour ralentir la transmission, mais également de réduire le risque statistique de mutation du virus, limiter le nombre de personnes exposées et ainsi maîtriser le risque pour la santé humaine », souligne le Comité de veille et d'anticipation des risques sanitaires (Covars) dans un avis publié cette semaine.
Baisse d'activité volontaire
En attendant le vaccin et pour réduire les risques, les professionnels ont décidé de diminuer prochainement le nombre de canards élevés dans 45 communes des Pays de la Loire, une zone cumulant une forte densité d'élevages et la présence de couvoirs. Au fur et à mesure des départs vers l'abattoir, non remplacés, le secteur devrait être vide de canards au 1er novembre au plus tard.
Les seuls palmipèdes ayant droit de cité auront été vaccinés.
Roland Tonarelli souhaiterait même qu'il n'y ait plus aucun canard au 1er septembre. « On n'est pas serein du tout », affirme le directeur général du volailler Maître Coq. La filiale du géant français LDC, qui compte six usines en Vendée, a « pris une bonne claque » avec la grippe aviaire qui a diminué les volumes de volaille à transformer (« on a perdu 20 000 tonnes sur 160 000 »).
Baisser volontairement la densité de canards et donc l'activité de la filière : « On a décidé de se faire mal », dit M. Tonarelli. « Cela ne veut pas dire qu'on va passer au travers, mais on aura fait preuve de responsabilité. »
Pour accéder à l'ensembles nos offres :